25 Mai, 2020
- Evolution des taux de reproduction et de létalité, cas
de la région de Casablanca, importance de l’application Wiqayatna, risque de deuxième vague,
élargissement de l’offre de dépistage, protocole thérapeutique…
- Mohamed El Youbi, directeur de l'épidémiologie et de la lutte contre les maladies au ministère de la
Santé, dresse pour Finances News Hebdo un panorama complet de la situation épidémiologique du Marocet
détaille les prérequis à réunir pour lever progressivement le confinement.
Propos recueillis par F.Z.O
Finances News Hebdo : Le chef du gouvernement a annoncé le prolongement de l’état d’urgence sanitaire
de 3 semaines. Si l’on se fie aux propos du ministre de la Santé, cela veut dire que les trois
conditions pour amorcer le déconfinement ne sont pas remplies, à savoir la stabilité de la situation
épidémiologique, la tendance à la baisse des nouveaux cas de contamination et l'inflexion de
l'indicateur de propagation du virus sous la valeur 1. Où en est exactement la situation
épidémiologique au Maroc ?
Mohammed Youbi : Partout dans le monde, les pays qui ont instauré des mesures de restriction en
matière de déplacement, appelées communément «leconfinement», ont mis en place un certain nombre de
prérequis et des critères épidémiologiques pour les lever progressivement.
Certains critères se rapportent aux nouveaux cas enregistrés, aux cas actifs, aux cas graves et à la
létalité, etc. Nous nous référons également au taux de reproduction ou le R0, à savoir la capacité de
personnes contaminées à transmettre le virus à d’autres personnes. Il y a d’autres critères qui ne
sont pas épidémiologiques mais relatifs à la capacité du système de santé à faire face à une
augmentation du nombre de cas. Lever les restrictions veut dire qu’on accepte d’emblée l’augmentation
du nombre de cas et éventuellement la hausse des formes graves et du nombre de décès.
Au Maroc, la situation se présente ainsi : au départ, le taux de reproduction dépassait 2,mais au fur
et à mesure que les mesures sanitaires ont été instaurées, le taux de reproduction a commencé à
baisser. Il se situe actuellement au niveau national à un peu plus de 0,8.
Malheureusement, cette situation n’est pas uniforme dans toutes les régions du Royaume. Dans certaines
régions, ce taux est inférieur à 0,7 ; dans d’autres, il avoisine ou dépasse même 1, où l’on n’est pas
dans une situation d’inflexion de l’épidémie. En outre, nous enregistrons depuis deux semaines une
moyenne d’une centaine de cas par jour.
C’est un niveau encore élevé, alors que l’on est dans un contexte de confinement ; lever le
confinement entraînera une nette augmentation du nombre de cas et aussi de décès.
Je dois préciser que les nouveaux cas sont essentiellement enregistrés sous forme de cas groupés ou de
foyers de contamination, plus particulièrement dans les structures industrielles des grandes villes, à
leur tête Casablanca, puis Tanger, Marrakech ou Fès. Nous notons également des cas groupés au niveau
de certaines collectivités ferméesou rassemblements de population.